dimanche 1 juillet 2007

Unagi

Voici un texte court écrit pour un concours littéraire dont le thème était les "Super héros".
Bon, j'ai pas été sélectionné. Mais, selon le retour que j'ai eu, il s'en ai fallu d'assez peu, l'un des membres du jury de sélection ayant déploré un certain manque d'action, ou de profondeur, je sais plus...
A vous de juger !

J'ai peur de me battre.
Souvent, dans mes rêves, je me vois confronté à des gens qui me veulent du mal, à des situations tendues dont l'issue ne fait aucun doute. Mais je ne cède pas à mes instincts primaires et je fais tout pour éviter le conflit.
Pourquoi ? me demanderez-vous. La peur de souffrir ? Je ne crois pas. La vie n'étant que souffrance, je ne peux raisonnablement penser y échapper ; quoi qu'il advienne, il faudra bien que j'y passe un jour. Peut-être que je me sentirais mieux par la suite, comme une sorte de délivrance...? Mouais. Quoique j'ai beau être un inconditionnel de Fight Club, je ne crois pas que me mettre sur la gueule avec un autre mec tout aussi paumé que moi m'aiderait...
Alors quoi ? J'ai beau me creuser les méninges, me torturer l'esprit dans mes moments perdus, je ne vois qu'une seule réponse.
Sans aucune prétention, je sais que je peux faire mal, très mal. Du haut de mon mètre quatre-vingt cinq, je suis plutôt bien bâti. Je pense savoir me battre.
Je me souviens de mes jeunes années, alors que je m'entraînais devant mon miroir, un bandeau sur le front. Quand j'y repense... Qu'est-ce que j'étais ridicule ! C'était ma période films d'action où tous les Vandamme et autres Lundgren gonflaient leurs pectoraux en poussant leur kiaï et défonçaient des méchants stéréotypés, l'écume aux lèvres. Et moi je bavais tellement devant ces champions des stéroïdes, épatés par leurs prouesses physiques, que j'avais poussé le vice jusqu'à prendre des cours de karaté... En pure perte. Rattrapé par ma peur, j'avais vite abandonné, au grand damn du senseï qui voyait en moi un élève doué pleins de promesses...
Désolé, Maître Miyagi, vous allez devoir trouver un autre Karaté Kid...
Mais même si je crois mettre le doigt sur ce qui m'angoisse, je sais pertinemment que ça va beaucoup plus loin. Je n'ose me l'avouer, je ne peux m'y résoudre. Pourtant, au fond de moi, je le sais, je le sens. Nombre de personnes pensent qu'elles sont uniques ; je ne parle pas de leur héritage génétique ou de la structure de leur pensée. De la même manière que certains croient toujours avoir été adoptés, beaucoup de gens pensent être différents. Foutaises, évidemment. Nous ne sommes que des humains et, en tant que tel, nous possédons les mêmes attributs. C'est logique. Pourtant, même si en théorie je suis comme ces anonymes en quête d'identité, je m'en distingue pour une bonne et unique raison : je suis différent. Je l'ai toujours su et, pour dire la vérité, cela m'effraie.
Depuis ma toute petite enfance, j'ai toujours été conscient que quelque chose n'allait pas et, au fil des âges, ce malaise n'a fait que grandir. J'ai peur de moi-même, de mes réactions, de la puissance occulte qui sommeille en moi. Pas particulièrement altruiste dans l'âme, je n'ai jamais eu une vocation de sauveur du monde ; aussi je garde cette partie de moi-même enchaînée dans ma tour d'ivoire. Et pour ne pas déclencher l'apocalypse qui changerait à jamais ma vie, je reste à l'écart du monde.
Pourtant, même si je me suis toujours refusé de céder à la tentation, aujourd'hui je ne crois pas avoir le choix. Même si je suis encerclé par une bande de voyous menaçants, je ne crains pas pour ma vie. Mais, mon amour, ma moitié, la seule qui m'est jamais comprise, est en danger à mes côtés. Et comme il n'y a personne dans les environs, personne pour nous venir en aide, je vais devoir me résoudre à agir. Je ressens comme un appel, j'entends comme une voix dans mon subconscient. Afin de sauver celle que j'aime, afin de préserver celle qui a brisé la prison de ma solitude, je vais devoir oublier la terreur que m'inspire mon autre moi et embrasser enfin ma destinée.
Je brise d'un coup sec les chaînes qui retenaient jusqu'à présent ma vraie nature et je me laisse envahir par ce pouvoir. Une vague de chaleur parcourt mon corps et je me sens pris d'une grande excitation. Une nouvelle vision du monde s'offre à moi. Je me sens surpuissant, invincible, transfiguré.
Alors que mon âme-sœur se blottit contre ma poitrine, je sens l'un des trois voyous approcher dans mon dos. Il pense pouvoir me surprendre et tirer avantage de la situation...
Je me projette mentalement dans le futur et prévoit à l'avance le moindre des mouvements de nos agresseurs. J'anticipe l'attaque de celui qui me prend à revers et je me vois déjà esquiver sa lame pour répliquer par un coup de coude surpuissant. Les deux autres veulent s'en prendre à ma femme mais je ne leur en laisse pas le temps : me déplaçant à la vitesse du vent, je les balaie comme des fétus de paille. Le nez éclaté, ils se relèvent péniblement et déguerpissent après avoir ramassé leur camarade à la mâchoire fracassée.
Oui, je suis prêt maintenant. Allez-y, attaquez moi sans ménagement, tentez de me surprendre.
Evidemment, c'est peine perdue pour eux mais mon état d'excitation et à son paroxysme. Je serre les poings à m'en éclater les phalanges et, dans un cri de guerre, je fais volte-face pour expédier le premier de la liste. Cependant, contrairement à ce qui était prévu, c'est un poing dur comme l'acier qui me percute en pleine poire.
Et là, c'est le black-out.

Je me réveille quelques heures plus tard à l'hôpital, le nez enflé et le crâne douloureux. J'ai l'impression d'avoir percuté un bus. La bouche pâteuse, les yeux mi-clos, j'émerge difficilement et je ne réalise pas tout de suite la situation. Mais un éclair de lucidité finit par traverser mon esprit et je me redresse, affolé :
- Mon amour !?
Une main douce se pose sur mon avant-bras et, avant même d'avoir détourné mon regard, je sais à qui elle appartient. Souriante, les yeux pétillants de malice, mon âme-sœur se tient à mon chevet... indemne.
- Ça va mieux ? me demande t-elle avec empressement.
Je suis saisi par sa beauté et, les larmes aux yeux, je détaille chaque parcelle de son visage. Je ne croyais plus jamais la revoir. Heureux comme jamais, je succombe à l'émotion et me mets à pleurnicher.
- Oh je suis tellement désolé...! Mais comment est-ce que...?
Je remarque tout à coup que du sang séché souille sa chemise blanche ; une gerbe écarlate et généreuse. En plus de la honte, la panique me gagne.
- Mon dieu, non ! Tu es blessée !
- De quoi ? Ah, tu parles de ça, réplique t-elle un sourire aux lèvres. Non, ne t'inquiète pas : ce n'est pas mon sang...
Je reste interdit un instant. Incrédule, mes yeux font des va-et-vient entre cette horrible tâche et le sourire jovial de ma moitié. Cela ne se peut...
- Ne me dis pas que tu... Et que ce sang est celui de... Comment ?
Et là, un silence tombe. Elle se lève et se dirige vers le seuil de la chambre. Après avoir vérifié à maints reprises que personne ne trainait dans les parages, elle ferme la porte et revient auprès de moi. Elle arbore une expression qui je ne lui connaissais pas, un mélange de peur et d'excitation contenue. Elle me dévisage un moment puis se penche pour murmurer à mon oreille.
- Au nom de notre amour et des liens qui nous unissent, pourrais-tu garder un secret ?
Intrigué, je hoche la tête sensiblement. Je sens que je ne vais pas aimer ce qu'elle va me dire.
- Toi qui est si différent des autres, crois-tu aux super-héros...?

FIN
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1 commentaire:

Julien a dit…

Bouhouhou... Personne n'a lu mon texte...
En même temps, si c'est trop barbant, je comprends.