jeudi 28 juin 2007

Triste condition

Dans la vie, je ne suis pas vraiment doué de mes dix doigts (... oui, dix, c'est bon...). Cependant, j'aime bien coucher sur le pap... taper sur les touches d'un clavier pour raconter des histoires, ou plutôt essayer d'écrire des nouvelles. J'en ai quelques unes à mon actif (héhé !) et je pense que le but d'un texte est d'être lu.
Voilà donc un petit texte à chute écrit en une après-midi.
Il est assez vieux mais, comme en ce moment je dépoussière pas mal de choses, je fais de bonnes découvertes (mais ça reste très subjectif tout ça).
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez !

Le jour s'est levé. Comme toujours, serré dans ma cellule, oppressé par l'air moite et pauvre en oxygène, j'ai très mal dormi. Une sourde migraine me fait souffrir et la nausée monte en moi. Je ferme les yeux pour tenter de me reposer mais le geôlier ouvre avec fracas ma porte. Armé d'un bâton, il me fouette les flancs et me force à sortir. Las et éreinté, je me traîne péniblement hors de ma lugubre case et, sans le moindre enthousiasme, je rejoins le troupeau de mes congénères. Nous cheminons en silence dans un étroit corridor constellé de parts et d'autres de cellules identiques à la mienne. Le teint livide et les yeux vitreux, des prisonniers aussi éteints que je le suis en sortent. Sous l'éclairage aseptisé, nous faisons vraiment peur à voir.
Tout à coup, un cri retentit, un ordre est donné : nos tortionnaires nous exhortent de hâter le pas. Je me retourne vers la queue de peloton et je compatis en pensant aux coups de fouet qu'ils reçoivent en ce moment même.
C'est l'heure de manger. Je le sais, j'y suis habitué. Tous les jours, à la même heure, le même rituel, la même comédie. J'en ai marre de tout ceci, marre d'être coincé là. Je ne sais plus depuis quand je suis ici, en captivité pour un crime que je ne me souviens pas avoir commis. À moins que nous ne soyons tous des esclaves ? Non, rien de tout cela. Simplement la folie des hommes.
Je dois m'en aller, fuir loin de ce carcan. La captivité me rend malade. J'y pense constamment, de jour comme de nuit, à en perdre l'esprit. À chaque instant, à chaque geste des matons, j'essaie de trouver la faille. J'ai déserté l'idée d'en parler à mes camarades de fortune : la tête plongée dans le bac à nourriture, le regard mort et les épaules voûtées, ils semblent résignés à leur sort. Mais je ne peux comme eux accepter cette étrange fatalité sans me battre, je ne peux demeurer ainsi. Il est plus que temps que tout ceci cesse...
Tout à coup, alors que je m'étais juré de garder mon calme, j'ai une brusque poussée d'adrénaline. Mes membres tremblent, mes yeux rougeoient de douleur ; je crois bien que je perds les pédales. Personne ne semble avoir remarqué mon état second. Pourtant, je remue, je gigote, je trépigne sur place.
Effectuant un tour d'horizon, mon regard se pose sur le maton qui vient me violenter tous les matins ; j'ai soudain des envies de meurtre. Au diable la liberté, les rêves de mutinerie, les utopies révolutionnaires. Si je peux au moins trucider cet homme, je serais en paix avec moi-même.
Les muscles bandés, les nerfs survoltés, je m'approche de ma proie à pas de loup. Celle-ci ne semble avoir encore rien remarqué, à la différence de mes semblables qui s'écartent sur mon passage. Aveuglé par la colère, je ne remarque pas les hommes qui m'encerclent. Ils essaient vaillamment de me contenir, mais je sais qu'en réalité ils ont peur de moi.
Il est temps d'en finir. Faisant appel à mes ultimes réserves, je m'élance, plein de fureur. La tête baissée et l'écume aux lèvres, je charge vers l'homme, si petit, si frêle.
Je cours vite, très vite, et je me surprends moi-même de la puissance que je dégage. Pétrifié, le maton écarquille les yeux de terreur et je sens la peur transpirer par tous les pores de sa peau. J'y suis presque, encore quelques mètres...
Un sifflement suraigu, une douleur dans ma nuque et je m'écroule à ses pieds dans un nuage de poussière. Mes forces m'ont soudain abandonnées et je suis cloué au sol. Je ne sens presque plus mes membres et c'est avec beaucoup de difficultés que je lève les yeux vers le miraculé. Je peste d'avoir failli si près du but. Mais je me console en voyant se pencher sur moi un homme armé d'un fusil, prêt à m'achever. Je ne pouvais rien faire contre tant de haine, seul contre tous, cherchant seulement la vérité.
Mes yeux fatigués laissent échapper d'amères larmes. Je remue faiblement pour tenter de dissiper le froid glacial qui m'envahit. Je suis fatigué de cette vie, fatigué de cette injustice... Pourquoi ? Répondez-moi s'il vous plait. J'aimerais savoir avant de m'en aller...
Mais j'oubliais que personne ne peut me comprendre. Les hommes mangent ma langue mais ils ne cherchent pas plus loin. C'est vrai, après tout, je ne suis que du bétail comme ils disent...

FIN

2 commentaires:

Julien a dit…

Personne n'a lu celui-là non plus.
Heureusement que j'ai définitivement renoncé à rentrer dans l'équipe de Bernard Pivot pour animer la Grande Dictée à Roquefort-la-Bédoule..

Anonyme a dit…

Julien, j'ai lu cette nouvelle qui m'a bien plus d'ailleurs!!! Moi qui adore les animaux !!!!malheureusement j'aime la viande rouge aussi!!!! Mais c'est vrai que nous devons lutter pour des meilleurs conditions de vie avant l'abatage de nos amis les bêtes!!! Heureusement qu'il y a des gens qui s'engage pour dénoncer les traitements des fois limite qu'on leur impose!!! Bravo!

Ta belle soeur,
Nanterre (92)